PAR CLÉMENCE
Partie 3 – le tabou de la sexualité féminine
Vous l’avez attendu et espéré (laissez-moi rêver !), voici la dernière partie de ce dossier sur le clitoris. Et cela tombe bien avec l’actualité du moment : la polémique autour de la représentation des organes sexuels des filles dans le livre de Michel Cymès à destination des enfants. Si tu as loupé l’histoire (et la magnifique réponse du médecin), voilà un petit résumé sur libération.
Il est donc toujours impossible de représenter correctement un sexe féminin dans un livre à destination des enfants, de plus réalisé par un médecin. Et pour ceux qui vont me dire que le public visé est trop jeune pour qu’on aborde ce genre de sujet (notamment le clitoris), je répondrais que les auteurs n’ont pas hésité à représenter le pénis avec les testicules, le gland et le prépuce alors que les lèvres et le vagin ne sont même pas dessinés (sans compter le mot vulve qui n’est pas mentionné). Dommage…
Bref, cela me fait une bonne transition pour le sujet dont je voulais parler dans cette partie. Comme nous l’avons vu précédemment, le corps de la femme est quand même bien tabou et finalement peu connu. Pourtant, ce n’est pas pour autant que le clitoris était un total inconnu par le passé. En effet, certains se sont vite rendu compte que cet organe pouvait donner du plaisir. C’est ainsi qu’au 19ème siècle, les médecins soignaient l’hystérie féminine grâce à une stimulation clitoridienne. Mais qu’est ce qui était considéré comme de l’hystérie me demanderez-vous ? (oui je fais les dialogues toute seule dans ma tête). Et pourquoi soigner cette maladie de cette manière ?
Tout d’abord, l’hystérie – qui signifie utérus en grec (hysteron) – est une maladie souvent considérée comme typiquement féminine avec des symptômes assez variées : angoisse, anxiété, bouffée de chaleur, nervosité, insomnie, etc. Pour simplifier, toute femme est potentiellement une hystérique qui s’ignore. Cette maladie a été décrite dès l’antiquité par Hippocrate et elle a été particulièrement étudiée au 19ème siècle par Freud en personne et le neurologue Charcot (qui vont admettre que cette maladie peut également atteindre les hommes).
A cette époque l’hystérie est un dérèglement de l’organisme touchant des femmes frustrées, souffrant de désirs sexuels inassouvies. Les plus atteintes pouvaient alors développer des crises assez impressionnantes de tétanie, de convulsions et de pertes de consciences. Charcot a exhibée certaines de ces patientes lors de ses leçons du mardi devant de nombreux spectateurs, journalistes, médecins ou bourgeois par exemple.
Charcot présentant une patiente hystérique lors d’une de ses leçons
L’hystérie est traitée à cette époque par un massage du clitoris dans le but de provoquer un orgasme et ainsi apaiser ce trouble. Hippocrate lui-même conseillait le mariage pour soigner cette maladie dans des temps plus lointain. Ce qui fait que l’idée de traiter une femme de « mal baisée » -charmante expression d’ailleurs – ne date pas d’hier. En plus d’être rentable, même si le massage de la vulve était considéré comme un acte médical très ennuyant, il était hors de question de conseiller aux femmes de se masturber. Il fallait que cela reste dans un cadre strictement médical ! D’ailleurs pour lutter contre l’onanisme, certains médecins du 19ème siècle en Europe n’hésitaient pas à pratiquer la clitoridectomie (ablation du clitoris) sur leurs patientes pour leur faire perdre cette mauvaise habitude responsable de nombreux maux. Oui, les soignants de cette époque n’avaient pas peur des contradictions : on peut t’enlever le clitoris si tu te le touche trop mais si c’est fait par un médecin, ça passe !
Concernant le traitement contre l’hystérie, ce dernier pouvait prendre une bonne heure et comme la maladie ne se soignait pas définitivement, les patientes revenaient régulièrement recevoir ces soins. Du coup, le travail était parfois relégué aux infirmières et sages-femmes, ces messieurs ayant mieux à faire. Quel ne fut donc pas le soulagement des médecins quand le vibromasseur électrique fut inventé en 1883. Fini les crampes et les longues heures d’un travail pénible et inintéressant !
Mesdames et Messieurs, un des premiers vibromasseurs électriques ! Le design a un peu changé depuis ©plastic-lemag
D’ailleurs, le vibromasseur était tellement considéré comme utile, qu’il n’arrêta pas d’être perfectionné dans les années qui suivirent. Une version portative vit même le jour au début du 20ème siècle. Avec le développement de l’électricité dans les foyers, les femmes pouvaient s’acheter cet instrument pour continuer à se soigner tranquillement chez elles. Et c’est ainsi qu’à cette période, le vibromasseur était le 5ème appareil électroménager le plus vendu ! Le tabou autour de lui commença à survenir quelques années plus tard quand il apparut dans un film pornographique. Il fut alors associé à la sexualité alors qu’avant il s’agissait d’un appareil médical.
Vibromasseur datant de 1928. Surement un très joli cadeau de Noël à faire à sa maman à l’époque.
La photo a été prise sur buzzfeed mais l’appareil est visible dans un musée qui m’a l’air assez intéressant (et je dis ça sans rire) : http://antiquevibratormuseum.com/
Après ces quelques anecdotes médicales, j’aimerai terminer ce dossier par quelques mots sur un sujet beaucoup plus sérieux et grave : l’excision. Pour ceux qui ne connaissent pas, il s’agit d’une pratique millénaire consistant à couper le clitoris et les petites lèvres, de manière partielle ou totale, afin de limiter le plaisir sexuel. Histoire de rendre les choses encore plus fun, cette « opération » se fait la plus souvent sur des petites filles sans anesthésie et dans des conditions d’hygiène déplorables (oui car en plus rajouter un risque infectieux ou une hémorragie par-dessus est vraiment le petit cadeau bonus). En plus des conséquences à court terme pouvant aller jusqu’à la mort, on peut noter qu’à long terme, ces femmes risquent des douleurs pendant les rapports sexuels, des complications lors des accouchements ou encore des problèmes urinaires.
Il existe plusieurs types de mutilations génitales : Type1, la clitoridectomie ; Type 2, l’excision ; Type 3, l’infibulation.
L’excision est culturelle (et non pas religieuse) et elle est réalisée dans le but d’empêcher le plaisir des femmes et qu’elles restent vierges jusqu’au mariage. Ainsi, une femme non excisée est considérée comme impure et mise à l’écart de la société. Il est donc impensable pour une mère de ne pas faire « opérer » ses filles afin de leur éviter cette honte et qu’elles puissent se marier. Pour d’autre culture, le clitoris est considéré comme trop masculin et une femme est pleinement femme quand elle ne possède plus cet organe.
D’après l’OMS, on estime à 3 millions par an le nombre de filles risquant une mutilation sexuelle en Afrique. En France, elles seraient plus de 53000 à vivre en étant excisée. Cette pratique y est condamnée par la loi et les auteurs encourent jusqu’à 20 ans de prison. Si vous êtes vous-même concernée par le problème ou si vous connaissez quelqu’un susceptible de l’être, vous pouvez appeler en France le 3919 qui vous conseillera et vous aidera. Si besoin, je vous mets un lien vers une brochure vous expliquant les démarches à effectuer en fonction des cas de figure : http://stop-violences-femmes.gouv.fr/IMG/pdf/depliant_Mutilations_sexuelles_feminines_VF_web.pdf.
Il existe désormais une opération de reconstruction du clitoris qui consiste à extérioriser des parties interne de l’organe afin de recréer un gland et de retrouver de la sensibilité (même si elle ne sera jamais la même qu’avant la mutilation). En France, cette opération est prise en charge à 100% par la sécurité sociale depuis 2004 et une dizaine d’hôpitaux la pratique.
Au vu des chiffres et de certaines déclarations, comme l’élu tunisien en 2013 qualifiant l’excision d’opération esthétique et qui n’empêchant pas les femmes de prendre du plaisir !, il reste encore beaucoup de travail pour arriver à faire évoluer les mentalités et à éradiquer cette pratique. Cela passe par des campagnes de sensibilisation et d’information, des témoignages et le dialogue avec les communautés pratiquant l’excision. Dans ce but, depuis 14 ans, le 6 février a été déclaré journée internationale de lutte contre les mutilations génitales féminines.
Voilà, cet article touche à sa fin. J’espère que vous aurez appris des petites choses sur le clitoris, et si ce n’est pas le cas, ce n’est pas grave et c’est même plutôt rassurant !
Sinon, si tu es dotée d’une vulve, n’hésite pas à te munir d’un miroir pour regarder ton propre clitoris. C’est le meilleur moyen de savoir à quoi il ressemble vraiment (du moins les parties externes). Bien sûr, ce n’est pas une obligation, tu fais bien ce que tu veux !
Et si vraiment tu adores le clitoris, tu peux même acheter une bague pour crier au monde entier ton amour pour cet organe : http://www.penelopijones.com/